31.12.06

Fête



Quelle soie aux baumes de temps
Où la Chimère s'exténue...

Mallarmé

Logiciel libre

L'art est si étrange. La survie est si étrange. Nous commençons par manger nos mères dans leur ventre. Puis dans leur lait. Nous dérobons leur langue à partir de leur regard. Nous sommes tous des voleurs. Nous inventons le sens en répondant à leurs sourires. S'instruire c'est sucer les os des cadavres, les trouer, souffler dans la mort de ceux qui nous précèdent. Vivre c'est parasiter les oeuvres, les ruines des oeuvres, le souvenir des oeuvres. Nous vivons entourés d'hallucinations qui trompent mal la carence ou l'absence. Nous sommes tous précaires ou désinchronisés. Nous commençons trop tôt. Nous mourons avant de mûrir. L'originaire est toujours invisible. Les vrais messages transitent dans les corps à l'insu de ceux qui les échangent.

Pascal Quignard

30.12.06



Cottleston, Cottleston, Cottleston Pie,
A fly can't bird, but a bird can fly.
Ask me a riddle and I reply:
"Cottleston, Cottleston, Cottleston Pie."

Cottleston, Cottleston, Cottleston Pie,
A fish can't whistle and neither can I
Ask me a riddle and I reply:
"Cottleston, Cottleston, Cottleston Pie."

Cottleston, Cottleston, Cottleston Pie,
Why does a chicken, I don't know why.
Ask me a riddle and I reply:
"Cottleston, Cottleston, Cottleston Pie"


Winnie-the-Pooh, as quoted by Benjamin Hoff in The Tao of Pooh, where the "Cottleston Pie principle" is explained. At its core: why does a chicken? - I don't know why!

29.12.06

3 days until the new year…

What do you want to do with your life?

Les capucines



Pierre-Joseph Redouté
Choix des Plus Belles Fleurs
Paris 1827-1833













These are for antonia
Chose your own

Yesterday


Yesterday was the day I woke up after a bad dream about trains, appointments in distant cities, railway stations like labyrinths and not enough money for the fare;

Yesterday was the day I had to wait four hours at the police station because of a stolen handbag containing passport, credits cards and mobile phone, plus a few make-up items and photos of the beloved ones;

Yesterday was the day I discovered Sylvia Plath.

Life is wonderful.



Words

Axes
After whose stroke the wood rings
And the echoes!
Echoes traveling
Off from the center like horses.

The sap
Wells like tears, like the
Water striving
To re-establish its mirror
Over the rock

That drops and turns
A white skull
Eaten by weedy greens.
Years later I
Encounter them on the road -

Words dry and riderless,
The indefatigable hoof-taps.
While
From the bottom of the pool, fixed stars
Govern a life.

Sylvia Plath

Lies nicht mehr - schau!
Schau nicht mehr - geh!

Paul Celan

28.12.06


scratch... scratch...









Musique: Louis-Claude d'Aquin (1694-1772), "Une jeune pucelle", in : Marc-Antoine Charpentier, Messe de Minuit sur des airs populaires français


My party piece:

I strike, then from the moment when the matchstick
conjures up its light, to when the brightness moves
beyond its means, and dies, I say the story
of my life -

dates and places, torches I carried,
a cast of names and faces, those
who showed me love, or came close,
the changes I made, the lessons I learnt -

then somehow still find time to stall and blush
before I'm bitten by the flame, and burnt.

A warning, though, to anyone nursing
an ounce of sadness, anyone alone:
don't try this on your own; it's dangerous,
madness.

Simon Armitage, from Book of Matches

27.12.06



Le cadeau est seul:
Il n'est touché ni par la générosité ni par la reconnaissance.
L'âme ne le contamine pas.

Roland Barthes, L'empire des signes

Où il est question de revenants...


siamese


maelstrom


the thief

ether elegia by johann fournier

*****

C'que t'es belle quand j'ai bu,
je regrette de n'avoir pas fait d'autres abus
tellement t'es belle quand j'bois.

Alexis HK

26.12.06



"The World card, very aptly, represents a successful conclusion, all aspects accounted for and taken in. Simply put, this card tells the Querent that the end to a long-term project is in sight, and that it will be accompanied by well-earned praise, celebration and success. With Saturn as its ruling planet, this card can also indicate that the Querent, now an expert in their subject, is likely to become a teacher or sought-after lecturer. And, finally, on a more mundane level, the World card indicates travel, not short business trips, but long, fantastic trips. Maybe a lecture tour, book signing, or just a trip around the world. This is a wonderful card of wholeness, perfection, satisfaction and happiness."

Good perspective - who knows?

Have a look into 2007

24.12.06

Noël


Boarding-school for disabled children, Nubarashen, Armenia

Que cette fête soit pout vous un moment de joie et de sérénité.

L'athéisme purificateur

Cas de contradictoires vrais. Dieu existe, Dieu n'existe pas. Où est le problème? Je suis tout à fait sûre qu'il y a un Dieu, en ce sens que je suis tout à fait sûre que mon amour n'est pas illusoire. Je suis tout à fait sûre qu'il n'y a pas de Dieu, en ce sens que je suis tout à fait sûre que rien de réel ne ressemble à ce que je peux concevoir quand je prononce ce nom. Mais cela que je ne puis concevoir n'est pas une illusion.

Entre deux hommes qui n'ont pas l'expérience de Dieu, celui qui le nie en est peut-être le plus près.

Croire en un Dieu qui ressemble en tout au vrai, excepté qu'il n'existe pas, car on ne se trouve pas au point où Dieu existe.

Simone Weil

23.12.06

A rose is a rose is a rose (in winter)


Remains of last July. For friends.
Do you remember where you were when this picture has been taken?

Basking in the sunshine of a by gone afternoon
Bringing sounds of yesterday into this city room.

Pink Floyd, Grantchester Meadows

22.12.06



Robert Hainard, Young foxes

The word magic these days might conjure up images of a man pulling rabbits from a top hat or producing cards from under his cuffs. But Hughes's magic was his writing. He made little black marks against clean white pages, marks that somehow detailed the absolute matter and manner of a bird or an eel or a foal or a wolf or a bear. At later dates and in distant locations, when we looked at those marks, when we read the poems, those creatures came to life. Out of nothing. Has any other magician ever pulled off a greated trick?

Simon Armitage on Ted Hughes

21.12.06


Meine Bachmann - ihre Stimme

Erklär mir, Liebe, was ich nicht erklären kann
...
Ich seh den Salamander durch jedes Feuer gehen.
Kein Schauer jagt ihn, und es schmerzt ihn nichts.


Solstice



Pas d’aile, pas d’oiseau, pas de vent, mais la nuit,
Rien que le battement d’une absence de bruit.

Guillevic

I am but dust...

20.12.06

La fièvre


Henri Rousseau, Sleeping Gipsy

L'Afrique bruisse par-delà l'horizon.
Il y a souvent des lions dans mes rêves. J'aime savoir que leur force est la mienne.

Est-ce la terre qui s’éloigne
Ou l’horizon qui se rapproche
On ne saurait jamais dans ces grandes distances
Tenir la mesure
De ce qu’on perd ou ce qu’on gagne

Anne Perrier, La Voie nomade

19.12.06

I need some sleep


Constantin Brancusi, La muse endormie

Ce soir, je vais dormir avec une goutte de parfum au creux du poignet: vanille, ambre, santal - mais



Before I slip into unconsciousness
I'd like to have another kiss
Another flashing chance at bliss
Another kiss, another kiss
The days are bright and filled with pain
Enclose me in your gentle rain
The time you ran was too insane
We'll meet again, we'll meet again

The Doors

18.12.06

Life


Indefatigable

Nous Deux - le magazine - est plus obscène que Sade.
Roland Barthes

A partir du mois de septembre de l'année dernière, je n'ai plus rien fait d'autre qu'attendre un homme: qu'il me téléphone et qu'il vienne chez moi. J'allais au supermarché, au cinéma, je portais des vêtements au pressing, je lisais, je corrigeai des copies, j'agissais exactement comme avant, mais sans une longue accoutumance de ces actes, cela m'aurait été impossible, sauf au prix d'un effort effrayant. C'est surtout en parlant que j'avais l'impression de vivre sur ma lancée. Les mots et les phrases, le rire même se formaient dans ma bouche sans participation réelle de ma volonté. Je n'ai plus d'ailleurs qu'un souvenir vague de mes activités, des films que j'ai vus, des gens que j'ai rencontrés. L'ensemble de ma conduite était factice. Les seules actions où j'engageais ma volonté, mon désir et quelque chose qui doit être l'intelligence humaine (prévoir, évaluer le pour ou le contre, les conséquences) avaient toutes un lien avec cet homme [...]







[...] Quand j'étais enfant, le luxe, c'était pour moi les manteaux de fourrure, les robes longues et les villas au bord de la mer. Plus tard, j'ai cru que c'était de mener une vie d'intellectuel. Il me semble maintenant que c'est aussi de pouvoir vivre une passion pour un homme ou une femme.
Peintures Maria Personnaz, Genève

17.12.06

Le questionnaire

Quelle est votre principal trait de caractère : mon vieux romantisme d’avant-guerre (rires)
Quelle est la qualité que vous préférez chez un homme : les c... (hum !) – disons, le courage
Quelle est la qualité que vous préférez chez une femme : le coeur
Quelle qualité appréciez-vous chez vos amis : l’indulgence
Quelle est votre occupation favorite : observer
Quelle est votre rêve de bonheur : observer, ici, ailleurs, partout, pendant 1000 vies
Quel est votre principal défaut : l’esprit d'escalier
Quel est pour vous le comble de la misère : perdre ma liberté
Dans quel pays aimeriez-vous vivre : un pays en paix


Carte postale postée le 3 septembre 1990 à Donegal, Irlande

Quelle est votre couleur favorite : le vert
Quelle est votre fleur préférée : les fleurs alpines qui poussent là où il n’y a déjà plus d’arbres
Quel est votre oiseau préféré : un oiseau qui chante au milieu de la nuit
Quel est votre héros préféré dans la réalité : Gandhi
Quel est votre héros préféré dans la fiction : Peter Pan
Quelle est votre héroïne préférée dans la réalité : Hetty Hillesum



Quelle est votre héroïne préférée dans la fiction : Adèle Blanc-Sec
Quels sont vos auteurs favoris : en ce moment, les auteurs anglo-saxons (après les auteurs russes et avant les auteurs kirghizes)
Quels sont vos poètes favoris : les poètes
Quels sont vos peintres favoris : les peintres qui savent peindre la lumière du nord
Quels sont vos compositeurs favoris : je suis une fille « Deutsche Grammophon »
Qu’est-ce que vous détestez le plus : le cynisme
Quel est le don de la nature que vous désireriez avoir : pouvoir voler
Pour quel défaut avez-vous le plus d’indulgence : la naïveté
Qu’aimeriez-vous être : moi, avec l’esprit de répartie

Ici, les réponses de Proust lui-même

16.12.06

Un magicien au travail



Plusieurs veulent obtenir des créations mentales en utilisant la méthode fakirique. C'est une erreur.
Chacun doit avoir sa méthode. Quand je veux faire apparaître une grenouille vivante (une grenouille morte, ça c'est facile) je ne me force pas. Même, je me mets mentalement à peindre un tableau. J'esquisse les rives du ruisseau en choisissant bien mes verts, puis j'attends le ruisseau. Après quelques temps, je plonge une baguette au-delà de la rive; si elle se mouille, je suis tranquille, il n'y a plus qu'à patienter un peu, bientôt apparaîtront les grenouilles sautant et plongeant.
Si la baguette ne se mouille pas, il faut y renoncer.
Alors je fais la nuit, une nuit bien chaude et, avec une lanterne, je circule dans la campagne, il est rare qu'elles tardent à coasser.

Henri Michaux

No translation available on the Net - sorry! Or just couldn't find it?
But a real book is also something nice, sometimes - Darkness moves






Pictures Henri Michaux

15.12.06

Eloge du corset



Sonnet

Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
J'ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m'est et trop molle et trop dure.
J'ai grands ennuis entremêlés de joie.

Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j'endure ;
Mon bien s'en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.

Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.

Louise Labé (1524-1566)



Emportez-moi

Emportez-moi dans une caravelle,
Dans une vieille et douce caravelle,
Dans l'étrave, ou si l'on veut, dans l'écume,
Et perdez-moi, au loin, au loin.

Dans l'attelage d'un autre âge.
Dans le velours trompeur de la neige.
Dans l'haleine de quelques chiens réunis.
Dans la troupe exténuée des feuilles mortes.

Emportez-moi sans me briser, dans les baisers,
Dans les poitrines qui se soulèvent et respirent,
Sur les tapis des paumes et leur sourire,
Dans les corridors des os longs, et des articulations.

Emportez-moi, ou plutôt, enfouissez-moi.

Henri Michaux


Carry Me Away

Carry me away in a three-masted ship,
In an old and gentle carvel,
In the stem of the boat, or if you wish, in the foam,
And lose me, far away, far away.

In the harness of another time.
In the velvet mirage of snow.
In the breath of some dogs reunited.
In the weary gathering of dead leaves.

Carry me carefully, in kisses,
In breasts that rise and breathe,
On carpets of palms and their smile,
In the corridors of long bones, and articulations.
Carry me away, or instead, dig me deep.

Translation by Alan Edwards

14.12.06


Stones, and hope, where there are no more trees.

И пусть пройдет немалый срок
- Мне не забыть,
Как здесь сомнения я смог
В себе убить.

Vladimir Vissotsky

his voice

(Time flies. There's something I will not forget about: it's here that confidence I got and killed my doubt)

13.12.06

Encounters


















(...)

Remember scenes of this (sad ending) film or invent your own story

12.12.06

Swift


Photo x

Le martinet

Martinet aux ailes trop larges, qui vire et crie sa joie autour de la maison. Tel est le coeur.

Il dessèche le tonnerre. Il sème dans le ciel serein. S'il touche au sol, il se déchire.

Sa repartie est l'hirondelle. Il déteste la familière. Que vaut dentelle de la tour?

Sa pause est au creux le plus sombre. Nul n'est plus à l'étroit que lui.

L'été de la longue clarté, il filera dans les ténèbres, par les persiennes de minuit.

Il n'est pas d'yeux pour le tenir. Il crie, c'est toute sa présence. Un mince fusil va l'abattre. Tel est le coeur.

René Char

Good morning everybody!


I know the secret of the garden.

Grabt mir ein Grab im Wasen
Deckt mich mit grünem Rasen:
Mein Schatz hat's Grün so gern.
Kein Kreuzlein schwarz,
kein Blümlein bunt,
Grün, alles grün so rings und rund!
Mein Schatz hat's Grün so gern.

Die schöne Müllerin
Music by Franz Schubert, after poems by Wilhelm Müller

11.12.06

Mélancolie


The Swiss variety
And some green is nice here, isn'it?

Picture Etienne Delessert

10.12.06

En attendant le froid






Photos Alice Aubert


Icebergs

Icebergs, sans garde-fou, sans ceinture, où de vieux cormorans abattus et les âmes des matelots morts récemment viennent s'accouder aux nuits enchanteresses de l'hyperboréal.

Icebergs, Icebergs, cathédrales sans religion de l'hiver éternel, enrobés dans la calotte glacière de la planète Terre.
Combien hauts, combien purs sont tes bords enfantés par le froid.

Icebergs, Icebergs, dos du Nord-Atlantique, augustes Bouddhas gelés sur des mers incontemplées, Phares scintillants de la Mort sans issue, le cri éperdu du silence dure des siècles.

Icebergs, Icebergs, Solitaires sans besoin, des pays bouchés, distants, et libres de vermine. Parents des îles, parents des sources, comme je vous vois, comme vous m'êtes familiers...


Henri Michaux



Dans un siècle, les glaciers suisses auront presque disparu

Les glaciers suisses paient un lourd tribut à l'été 2006 particulièrement chaud. Ils ont parfois reculé de 2,5 mètres. Si le réchauffement climatique constaté se poursuit, un cinquième des glaciers actuels aura disparu dans dix ans. Ils auront tous fondu - à l'exception de quelques zones situées à plus de 4000 mètres - dans 70 à 100 ans, si la courbe du réchauffement se maintient
Le Courrier, Genève

The more languages you learn, the more human you become.

Armenian proverb

What I am doing when not reading Proust

Who could say they never take tests?



Small print: arevik est une petite coquine!

Hommage


Remember when you were young, you shone like the sun
Now theres a look in your eyes, like black holes in the sky

Shine on you crazy diamond

You reached for the secret too soon, you cried for the moon
Threatened by shadows at night, and exposed in the light

Shine on you crazy diamond

...

You remind me of my first love(s), Syd

9.12.06



Un critérium du réel, c'est que c'est dur et rugueux. On y trouve des joies, non de l'agrément. Ce qui est agréable est rêverie.

Simone Weil


Corot, La Cathédrale de Chartres

Elle essayait de ruser et sinon d’éliminer entièrement la banalité commerciale, du moins de la réduire, d’y substituer pour la plus grande partie de l’art encore, d’y introduire comme plusieures «épaisseurs» d’art: au lieu de photographies de la Cathédrale de Chartres, des Grandes Eaux de Saint-Cloud, du Vésuve, elle se renseignait auprès de Swann si quelque grand peintre ne les avait pas représentés, et préférait me donner des photographies de la Cathédrale de Chartres par Corot, des Grandes Eaux de Saint-Cloud par Hubert Robert, du Vésuve par Turner, ce qui faisait un degré d’art de plus. Mais si le photographe avait été écarté de la représentation du chef-d’œuvre ou de la nature et remplacé par un grand artiste, il reprenait ses droits pour reproduire cette interprétation même. Arrivée à l’échéance de la vulgarité, ma grand’mère tâchait de la reculer encore. Elle demandait à Swann si l’œuvre n’avait pas été gravée, préférant, quand c’était possible, des gravures anciennes et ayant encore un intérêt au delà d’elles-mêmes, par exemple celles qui représentent un chef-d’œuvre dans un état où nous ne pouvons plus le voir aujourd’hui (comme la gravure de la Cène de Léonard avant sa dégradation, par Morgan).

Marcel Proust, Du côté de chez Swann

8.12.06

La Mandragore


L'herbe-aux pendus qui revigore

in Denis Dodart, Mémoires pour servir à l'histoire des plantes
France, XVIIe siècle

La vulnérabilité des choses précieuses est belle parce que la vulnérabilité est une marque d'existence.

Simone Weil

7.12.06


Andy Goldsworthy

Bonté

Je fais l'erreur de lui parler d'un problème de famille particulièrement douloureux. Je vois ses yeux qui s'agrandissent, brillent d'une excitation de rapprochement, de compassion. Sa bouche s'entrouvre et elle passe un bout de langue sur ses lèvres roses. De tout son être émane une avidité de goule. Je veux me rétracter. Trop tard. "Dis-moi plus, dis-moi comment tu souffres, c'est atroce, n'est-ce pas, vas-y, répands-toi, ouvre les vannes, pleure, ça fait du bien." Que cherche-t-elle dans son sac? un mouchoir pour essuyer mes yeux? un couteau pour fouiller ma plaie?

Chantal Thomas, Souffrir

I want a bed like this

...but without the pea.

Nowadays princesses are called HSP.

Picture by Edmund Dulac

6.12.06


Arletty (Léonie Marie Julie Bathiat), 1898-1992

Just take this longing from my tongue,
All the useless things my hands have done,
Let me see your beauty broken down,
Like you would do for one you love.

Leonard Cohen



- Comme vous êtes belle...
- Je ne suis pas belle, je suis vivante, c'est tout.
- Vous êtes la plus vivante! Jamais je n'oublierai cette nuit... et la lumière de vos yeux.
- Oh, la lumière... une petite lueur comme tout le monde. Tenez, regardez! Les petites lueurs, les petites lumières de Ménilmontant... Les gens s'endorment et s'éveillent, ils ont chacun cette lueur qui s'allume et qui s'éteint. C'est peu de chose, tout ça.


Dialogue entre Arletty et Jean-Louis Barreau, écrit par Jacques Prévert pour Les Enfants du Paradis, de Marcel Carné

Les Buttes-Chaumont, Paris (photo L. Reiz)

J'ai parfois voulu mettre fin à mes jours, mais je n'ai pas su par lequel commencer.

Jacques Prévert

5.12.06

Admonitions to a Special Person



Watch out for power,
for its avalanche can bury you,
snow, snow, snow, smothering your mountain.

Watch out for hate,
it can open its mouth and you'll fling yourself out
to eat off your leg, an instant leper.

Watch out for friends,
because when you betray them,
as you will,
they will bury their heads in the toilet
and flush themselves away.

Watch out for intellect,
because it knows so much it knows nothing
and leaves you hanging upside down,
mouthing knowledge as your heart
falls out of your mouth.

Watch out for games, the actor's part,
the speech planned, known, given,
for they will give you away
and you will stand like a naked little boy,
pissing on your own child-bed.

Watch out for love
(unless it is true,
and every part of you says yes including the toes) ,
it will wrap you up like a mummy,
and your scream won't be heard
and none of your running will end.

Love? Be it man. Be it woman.
It must be a wave you want to glide in on,
give your body to it, give your laugh to it,
give, when the gravelly sand takes you,
your tears to the land. To love another is something
like prayer and can't be planned, you just fall
into its arms because your belief undoes your disbelief.

Special person,
if I were you I'd pay no attention
to admonitions from me,
made somewhat out of your words
and somewhat out of mine.
A collaboration.
I do not believe a word I have said,
except some, except I think of you like a young tree
with pasted-on leaves and know you'll root
and the real green thing will come.

Let go. Let go.
Oh special person,
possible leaves,
this typewriter likes you on the way to them,
but wants to break crystal glasses
in celebration,
for you,
when the dark crust is thrown off
and you float all around
like a happened balloon.

Anne Sexton

4.12.06

"Matière de Bretagne" (koans)



L'eau que tu bois
A connu la mer

***

Il n'y a pas d'ailleurs
Où guérir d'ici

***

S'il suffisait de tendre la main
Comme on tend l'oreille

***

Courte est la journée
Courts sont tous les jours

Courte encore est l'heure

Mais l'instant s'allonge
Qui a profondeur

***

On t'accompagnera
Si tu trouves ta route

***

Eugène Guillevic est né à Carnac, Morbihan, en 1907. "Poète breton d'expression française", il meurt à Paris en 1997. Sa vie est marquée par un engagement communiste de près de quarante ans (il quittera le parti en 1980).
Ses poèmes semblent écrits au tableau noir. Ce sont des cailloux précieux, à serrer au creux de sa main, à garder toujours au fond de sa poche.


Le titre du message est emprunté à un poème de Paul Celan.
Dans la tradition du bouddhisme zen, un koan est un énoncé apparemment absurde, dont le sens peut soudainement se révéler à l'intution(soudainement, n'importe quand, mais peut-être jamais).
La photo a été prise sur le site mégalithique de Karahunge, dans le sud de l'Arménie.