18.12.06

Nous Deux - le magazine - est plus obscène que Sade.
Roland Barthes

A partir du mois de septembre de l'année dernière, je n'ai plus rien fait d'autre qu'attendre un homme: qu'il me téléphone et qu'il vienne chez moi. J'allais au supermarché, au cinéma, je portais des vêtements au pressing, je lisais, je corrigeai des copies, j'agissais exactement comme avant, mais sans une longue accoutumance de ces actes, cela m'aurait été impossible, sauf au prix d'un effort effrayant. C'est surtout en parlant que j'avais l'impression de vivre sur ma lancée. Les mots et les phrases, le rire même se formaient dans ma bouche sans participation réelle de ma volonté. Je n'ai plus d'ailleurs qu'un souvenir vague de mes activités, des films que j'ai vus, des gens que j'ai rencontrés. L'ensemble de ma conduite était factice. Les seules actions où j'engageais ma volonté, mon désir et quelque chose qui doit être l'intelligence humaine (prévoir, évaluer le pour ou le contre, les conséquences) avaient toutes un lien avec cet homme [...]







[...] Quand j'étais enfant, le luxe, c'était pour moi les manteaux de fourrure, les robes longues et les villas au bord de la mer. Plus tard, j'ai cru que c'était de mener une vie d'intellectuel. Il me semble maintenant que c'est aussi de pouvoir vivre une passion pour un homme ou une femme.
Peintures Maria Personnaz, Genève