Comment fonctionne la mécanique créative?
Je n'aime pas le mot mécanique. Mes poèmes sont toujours nés un peu tout seuls comme la chaleur dans une casserole d'eau produit des bulles. Presque paresseusement. Quand on écrit de cette manière, on ne sait pas du tout quelle est la part d'intelligence ou d'instinct, on se dit simplement après coup que tout cela doit fonctionner ensemble, et comme on n'est pas né de la dernière pluie ou du dernier poème, qu'on a la tête pleine de textes anciens, cette mémoire vous guide et vous nourrit dans votre travail, sans que vous en soyez toujours conscient.
La nature est au centre de votre œuvre. Peut-on imaginer une poésie où la nature serait absente?
Je crois que c'est l'une des forces de la poésie, et en fin de compte l'un de ses bienfaits. Parce que la poésie, d'une façon ou d'une autre, nous rattache toujours à ce qu'on appelait autrefois le cosmos, un mot très riche, qui veut dire à la fois beauté, ornement, équilibre, profondeur... Quand je lis des poèmes que j'aime, j'ai toujours l'impression d'ouvrir une fenêtre, de renouer avec le monde extérieur, avec le dehors, le plus proche ou le plus lointain. La poésie urbaine, c'est la même chose. Chez Baudelaire, elle est magnifique. Pourtant, ce n'est pas la nature au sens du paysage ou de la campagne, c'est la Seine, les maisons de Paris, les cafés, mais c'est aussi le monde extérieur, un monde concret qui est là, sauvegardé et en même temps remis en contact avec ce que nous avons de plus intérieur.